vendredi 22 octobre 2021

Du safran sur le toit de l'opéra Bastille

Les BienElevées safranières Amela, Louise, Philippine et Bérengère se sont lancées dans le projet fou de récolter du safran sur cinq terrasses parisiennes, dont celle de l'opéra Bastille.

Durant deux heures, elles transmettent leur savoir et leur passion lors d'ateliers découverte, hors ou pendant la période de floraison.

 

Fleurs de crocus à safran cueillies sur les toits de Paris

C'est Bérengère, la plus jeune des quatre soeurs, qui nous parle safran en ce matin venteux d'octobre.

Les chiffres qu'elle annonce font tourner les têtes: 

Le safran est l'épice la plus chère, entre 30 et 40 euros le gramme (plus que l'or!), mais aussi la plus falsifiée (cumin, curcuma, curry ou autres fleurs de carthame sont ainsi vendus un peu partout dans le monde sous l'étiquette safran, lequel ne se présente pourtant pas en poudre et colore en jaune, et non en rouge, malgré sa couleur). C'est ainsi que 300 tonnes sont vendues chaque année dans le monde, alors que la récolte ne représente que 150 tonnes!

En France, le safran est peu cultivé depuis le Moyen Age, et constitue souvent une culture annexe à d'autres. Nous disposons ainsi de peu d'informations chiffrées... si ce n'est que la consommation hexagonale de cette épice serait de 9 tonnes par an, quand la production française se chiffrerait entre 40 et 150 kilos par an. Pourtant, celle-ci ne serait pas entièrement écoulée (son prix de vente étant très élevé, puisque le safran est récolté manuellement et que la main-d'oeuvre est bien plus chère ici qu'en Iran ou au Maroc, les deux premiers producteurs mondiaux).

Chez nous, le safran est la seule épice à passer des tests de laboratoire, mettant en balance les trois critères principaux: odeur, pouvoir colorant et goût, en vue de remettre une note de 1 à 5 à chaque production.

Sous nos climats, et même en ville, dans la capitale, la culture du safran est tout à fait possible. Elle est par ailleurs raisonnée et utilise très peu de ressources. Le safran pousse en effet sans eau, sans électricité, ni produits chimiques.

Les bulbes de crocus à safran produisent, avant l'hiver, entre début octobre et la mi-novembre, des fleurs violettes aux pétales pointus avec, au centre, des pistils ou étamines jaunes portant le pollen et trois filaments ou stygmates rouges. Réveillées avant les premières pluies et grâce au contraste de températures entre la nuit et le jour, les fleurs sortent quotidiennement. Elles sont cueillies le matin (on coupe doucement la fleur à la main, sans tirer sur la tige, le bulbe n'étant pas planté très profondément), sont traitées dans la journée, avant qu'elles ne se flétrissent, et repoussent dès le lendemain.


Bulbes de crocus à safran

Après ce gros mois de floraison, les tiges poussent jusqu'à 45 centimètres environ, et sèchent vers les mois de mai-juin, constituant un paillage naturel. L'été, le bulbe entre en dormance. Il se multiplie toutefois d'année en année, plusieurs tiges en poussant, au bout de quatre à cinq ans. Il faut alors les séparer et les espacer.

 

L'émondage des filaments se fait à la main.

L'émondage des précieux filaments qui donnent le safran doit s'effectuer dans les 24 heures suivant la cueillette. On sépare les pétales et les étamines des trois filaments rouges, que l'on détache ensemble délicatement, à la main, sans entraîner la base blanche. 

 

Les fleurs, qui sont toxiques et non consommables, sont ensuite rapidement acheminées des safranières de Paris vers une usine à Marseille, qui en extrait les substances odorantes pour la parfumerie. 


Quant aux filaments, ils sont séchés au déshydrateur, au four solaire ou au four à gaz ou électrique (à la maison), puis conditionnés (dans du papier cristal ou de petites boîtes en métal, ou encore des fioles en verre) et stockés à l'abri de l'air et de la lumière un mois durant, avant de pouvoir être consommés. Ils perdent 80% de leur volume et de leur poids au cours de cette étape. Le safran se garde plusieurs années, conservé dans de bonnes conditions.

 

 

 

 

Hormis ces découvertes autour du safran, nous avons profité pleinement - avant l'arrivée de nouvelles pluies en fin de matinée - de la magnifique vue sur tout Paris qu'offre la terrasse de la safranière, avec au premier plan la place de la Bastille et le port de l'Arsenal. 

 


Vues du toit de l'opéra Bastille (photos Delias)

Une bien belle expérience, qui m'inspire par ailleurs une idée de recette cosmétique naturelle à base de safran (aux propriétés antioxydantes). Je compte en effet faire sécher les filaments, puis les laisser infuser dans de l'eau chaude. J'intégrerai ensuite cette infusion dans la phase aqueuse d'une crème. A suivre très vite (dès que j'aurai reçu mon petit sachet d'épice)!


Concernant les safranières de Paris, vous trouverez plus d'infos sur Bienelevees.com